Elsevier

Bulletin du Cancer

Volume 103, Issue 11, November 2016, Pages 928-934
Bulletin du Cancer

Article original
La chirurgie du cancer du sein en ambulatoire est faisable et fiable de nos jours : étude portant sur 396 patientesFeasibility and accuracy of day surgery: Review of 396 operated breast cancer patients

https://doi.org/10.1016/j.bulcan.2016.09.019Get rights and content

Résumé

Introduction

La chirurgie du cancer du sein est adaptée à une pratique ambulatoire car il s’agit d’une chirurgie programmée, à faible risque opératoire. L’objectif de cette étude a été d’évaluer les indicateurs de réussite reconnus : taux de conversion en hospitalisation conventionnelle, taux de complications et de ré-hospitalisations dans le mois suivant l’intervention.

Méthodes

Analyse descriptive des cas consécutifs de patientes opérées d’un cancer du sein en ambulatoire entre le 25 novembre 2012 et le 31 décembre 2013, à partir d’une base de données constituée prospectivement. Les caractéristiques sociodémographiques des patientes et clinico-biologiques des tumeurs ont été relevées ainsi que le type de chirurgie et les actes préopératoires.

Résultats

Trois cent quatre-vingt-seize patientes ont été incluses. L’âge moyen des patientes était de 54 ans [2–84], ont été effectuées : 382 chirurgies conservatrices du sein (98,2 %), 238 ganglions sentinelles (60,1 %) et 40 curages axillaires (10,1 %). Trente-neuf patientes prévues en chirurgie ambulatoire ont été hospitalisées en chirurgie conventionnelle, soit un taux de conversion de 9,8 % IC 95 % [6,7–9,12], dont 24 pour drainage axillaire (61,5 %). Ont été observées 15 complications dans le mois suivant l’intervention, soit 3,7 % IC 95 % [1,8–5,6], et 5 ré-hospitalisations ont eu lieu dans le mois suivant l’intervention soit 1,2 % IC 95 % [0,1–2,3].

Conclusion

Les taux de complication et de ré-hopitalisation après chirurgie du sein en ambulatoire sont très faibles (< 5 %) confirmant sa faisabilité et sa fiabilité dans un centre spécialisé en sénologie. L’adaptation de l’anesthésie au mode ambulatoire et la préparation des patientes au retour à domicile avec un drain permettront de réduire le taux de conversion.

Summary

Introduction

Breast cancer surgery is suitable for outpatient practice. Indeed, this is a planned surgery with short operative time. Objective was to evaluate the recognized success indicators in day surgery: rate of conversion into conventional hospitalization, rate of complications and re-hospitalizations the month following surgery.

Methods

Consecutive cases of breast cancer patients operated in day surgery were prospectively entered into the Day Surgery database between 25 November 2012 and 31 December 2013. Patient characteristics and tumor pathology, preoperative procedures and type of surgery were collected. Statistical analysis was performed.

Results

Three hundred and ninety-six consecutive patients were included. The mean age was 54 years [25–84], we performed 382 conservative breast surgery (98.2%), 238 sentinel node (60.1%) and 40 axillary lymphadenectomy (10.1%). Thirty-nine scheduled for outpatient surgery were hospitalized in conventional surgery being a conversion rate of 9.8%, 95% CI [6.9–12.7] with 24 patients because of a drainage (61.5%). We have observed 15 complications in the month after the surgery (3.7%, 95% CI [1.8–5.6]), and 5 rehospitalization in the month following surgery (1.2%, IC 95% [0.1–2.3]).

Conclusion

Postoperative complication and readmissions are very low (< 5%) after breast ambulatory surgery. This confirms its feasibility and safety in a breast cancer center. Adaptating anaesthetic methods to ambulatory care and preparing patient going home with an axillary drain are necessary to reduce rate of conversion to hospitalisation.

Introduction

Née il y a plus d’un siècle en Écosse [1], la chirurgie ambulatoire a connu depuis un développement considérable notamment dans les pays anglo-saxons et européens. La France a défini la chirurgie ambulatoire dans le cadre de la conférence de consensus de mars 1993 [2] : « La chirurgie ambulatoire est définie comme des actes chirurgicaux […] programmés et réalisés dans les conditions techniques nécessitant impérativement la sécurité d’un bloc opératoire, sous une anesthésie de mode variable et suivie d’une surveillance postopératoire permettant, sans risque majoré, la sortie du patient le jour même de son intervention ». La chirurgie ambulatoire est destinée à des patients sélectionnés car l’acte chirurgical est identique à celui réalisé en chirurgie classique de même que pour l’anesthésie. Ce n’est pas l’acte qui est ambulatoire, mais le patient. L’analyse du triptyque patient-acte-structure détermine la décision du mode de prise en charge.

Bien qu’ayant connu une dynamique de développement sur la période 2000–2011, le taux de chirurgie ambulatoire en France restait en retard comparativement aux autres pays développés et en dessous des potentiels de développement identifiés dans les études. Plus récemment, le rapport de la Cour des comptes de 2013 [3] estime que 5,5 milliards d’économies pourraient être réalisées si 70 % des actes chirurgicaux étaient réalisés en ambulatoire. Selon les exemples cités dans le rapport, le Danemark arrive largement en tête avec 74 % de chirurgie ambulatoire, suivie de la Suède (69 %), des Pays-Bas (53 %), du Royaume-Uni (52 %), de la Norvège (50 %) et de l’Allemagne (43 %). Le Portugal (35 %) et l’Espagne (33 %) arrivent derrière la France (36 %). En 2011, les pouvoirs publics ont pour la première fois fixé un objectif chiffré de développement de la chirurgie ambulatoire : dépasser les 50 % « à horizon 2016 ». La Fédération hospitalière française a répondu en menant une étude statistique [4] que le seuil réalisable ne serait que de 56 % car ces chiffres doivent prendre en compte qu’un tiers des interventions sont réalisées en urgence ou concernent des chirurgies lourdes avec des patients polypathologiques.

Des mesures incitatives financières avec notamment la suppression des bornes basses ont été mises en place afin de promouvoir la chirurgie ambulatoire. En effet, auparavant les tarifs de remboursements pour une mastectomie partielle étaient de 1362,91 euros pour 0 nuit et 2038,36 euros pour deux nuits et plus, ce qui encourageait à hospitaliser les patientes au moins 2 nuits, du point de vue de la direction financière de l’établissement. Depuis le 1er mars 2014, un tarif unique à 2353,70 euros est réalisé pour 0, 1 ou 2 nuits.

Les intérêts de la chirurgie en ambulatoire sont doubles. À la fois du point de vue de la patiente, diminuer les infections nosocomiales en diminuant la durée d’hospitalisation et les études montrent des taux élevés de satisfaction des patientes [5]. Et du point de vue économique, elle permet de raccourcir la durée moyenne du séjour hospitalier. Peu d’événements graves associés à la réalisation d’une procédure en ambulatoire ont été rapportés [6].

Avec plus de 48 000 nouveaux cas estimés en 2012, le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme. Il représente plus du tiers de l’ensemble des nouveaux cas de cancer chez la femme. Dans plus de 8 cas sur 10, il touche des femmes âgées de 50 ans et plus. Environ 11 886 femmes en décéderaient faisant de ce cancer la première cause de mortalité féminine par cancer en France [7]. Dans l’objectif 3 du plan Cancer 2014–2019 [8], il est prévu de développer la chirurgie ambulatoire en cancérologie. Notamment, d’après l’étude « UNICANCER : quelle prise en charge des cancers en 2020 ? », le nombre de séjours de chirurgie ambulatoire devrait plus que doubler dans les six prochaines années. La chirurgie ambulatoire pourrait ainsi concerner 50 % de la chirurgie des cancers du sein qui du fait du dépistage, sont découverts à des stades de plus en plus précoces.

La chirurgie du cancer du sein est adaptée à l’ambulatoire car il s’agit d’une chirurgie réglée, de courte durée opératoire, plutôt peu douloureuse, avec un taux de complication faible et concernant des patientes avec peu de comorbidités. Elle se heurte tout de même à des contraintes organisationnelles étant donné l’intervention d’autres spécialités : médecine nucléaire pour le repérage du ganglion sentinelle, radiologues pour le repérage préopératoire, anatomopathologistes pour les examens extemporanés. De plus, la prise en charge en ambulatoire implique une prise en charge en amont sur le plan psychologique avec le rôle majeur de la consultation d’annonce et de la consultation infirmière en préopératoire.

L’objectif principal de notre étude était d’analyser les données des patientes opérées en chirurgie ambulatoire pour un cancer du sein depuis l’ouverture de l’unité de chirurgie ambulatoire afin d’évaluer les indicateurs clés de réussite de cette chirurgie en ambulatoire : taux de conversion en hospitalisation conventionnelle, taux de complications et de ré-hospitalisations dans le mois suivant l’intervention et ce afin d’établir des critères d’éligibilité pertinents et d’identifier des axes d’amélioration en fonction des résultats.

Les objectifs secondaires de notre étude étaient d’étudier la population concernée, les intervenants associés (radiologues, médecine nucléaire), le type de chirurgie réalisée (tumorectomie, mastectomie, geste axillaire), et le type de tumeur.

Section snippets

Méthodes

Il s’agissait d’une étude descriptive, prospective, monocentrique réalisée dans le Centre de lutte contre le cancer de l’institut Curie, à Paris. Les inclusions ont débuté le 25 novembre 2012, date de l’ouverture de l’unité de chirurgie ambulatoire de l’institut Curie et se sont terminées le 31 décembre 2013, soit un an après. Étaient incluses toutes les patientes opérées dans l’unité pour un cancer du sein in situ ou infiltrant. Ont été exclues les interventions en ambulatoires autres que de

Résultats

Sur la période d’inclusion, 532 patientes avaient bénéficié d’une chirurgie du sein en ambulatoire et 136 ont été exclues de l’étude car il s’agissait de tumeurs bénignes ou atypiques. Au total, 396 patientes ont été incluses.

Les caractéristiques sociodémographiques des patientes et les caractéristiques clinico-biologiques des tumeurs sont présentées dans le tableau I. L’âge moyen des patientes était de 54 ans [25–84], 194 étaient ASA 1 (49 %) et 197 étaient ASA 2 (50 %), 360 habitaient en

Discussion

Cette étude montre un très faible taux de complications (3,7 %) et de ré-hospitalisations dans le mois suivant l’intervention (1,2 %) ce qui est en accord avec la faisabilité de cette chirurgie en ambulatoire. Les données de la littérature sont en rapport [10], [11]. Sur la période d’étude (année 2013), le taux d’ambulatoire à l’institut Curie était de 36,7 % des hospitalisations en chirurgie. En 2014, il était de 48 % et sur l’année 2015, il était autour de 55 %.

Cependant, le taux de

Conclusion

La chirurgie du cancer du sein, dans un centre spécialisé en sénologie, est adaptée à la prise en charge en ambulatoire avec un très faible taux de complications et de ré-hospitalisations dans le mois suivant l’intervention. Le taux de conversion est néanmoins élevé (10 %) et devrait diminuer en préparant le retour à domicile des patientes ayant un drain et/ou en évitant de positionner un drain axillaire ; en diminuant les douleurs et nausées/vomissements postopératoires avec une anesthésie

Déclaration de liens d’intérêts

les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références (17)

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Cited by (0)

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